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Événement le 18/05/2013 : Rencontre autour des représentations de la Commune de Paris

Scènes de la rue communarde – La Chanson au son du canon

le par Édouard Galby-Marinetti

Résumé

Les sources expérimentales de la Commune renvoient à une crise de l’expression publique et à un ressaisissement langagier de la population promise à la démocratie depuis 1789. Par quelle invention de figure s’est exprimée cette séquence historique ? Quelles voix de la population désigne-t-elle ? Prompte, modulable, la chanson capture les compositions du monde. Sur fond de rue, elle enregistre ce dire des actes ordinaires et des faits d’exception. Elle transmet un double actualisme, celui de l’intime et de la singularisation, celui du général et de la mémoire collective. Ce nouveau dispositif ne correspond-il pas à une révolution des mœurs médiatiques et à un ressaisissement des ordres de la citoyenneté ?

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Marquée par les contingences politiques et militaires, la Commune témoigne trompeusement d’un caractère à la fois éphémère et clivé, décrivant une brutale et illégitime mutation des normes dans l’organisation collective. La métamorphose du milieu parisien que l’on observe résulte en fait d’une forte perpétuation des conditions obsidionales de la guerre franco-prussienne, situation exceptionnelle et paradoxale qui s’est développée jusqu’au 29 janvier 1871 sur un double axe topographique : d’une part l’encerclement prussien provoque un raccourcissement du champ d’horizon et d’autre part la limitation des déplacements urbains favorise une proximité spatiale de l’ensemble de la population convertie à la République depuis la défaite de Sedan. Les événements du 18 mars 1871 et le second siège exacerbent ces réalités. Dans le même temps, la presse décomposée, réprimée, n’exerce plus la même fonction d’autorité sur l’information. L’accroissement de la petite presse et la fermeture programmée des grands quotidiens provoquent la démultiplication des relais et montrent en creux la faiblesse des modes d’expression traditionnels. Ce contexte de pénurie entraîne l’exigence de circuits renouvelés de la parole. À cet égard, par leur mobilité, les feuilles éphémères et plus encore le chant vont s’imposer comme médium informatif, au point que des chercheurs, un siècle après, lancent l’ingénue question de la confiance épistémologique. Objet étiologique fiable, la chanson ne serait-elle pas, peut-être, « le meilleur des repères » (Jeanne GaillardLe Mouvement social (Paris), n°79, avril-juin 1972, p. 323), « la forme adéquate d’une expérience historique » (Eugene SchulkindIbid., p. 325) ? Face aux inhibitions de la guerre s’improviserait conséquemment un mode du dire direct fonctionnant comme le chant de la population. Ce nouveau dispositif affermi par la chanson ne semble-t-il pas exprimer une révolution des mœurs médiatiques et un ressaisissement des ordres de la citoyenneté ?

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