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Événement le 18/05/2013 : Rencontre autour des représentations de la Commune de Paris

Sur Le Printemps de la Sociale d’André Fontaine (1974)

le par Édouard Galby-Marinetti

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Portrait d’auteur et souvenirs d’éthique
Pour l’auteur, l’acte de référer aux articles de Vallès, de Sarcey, est une manière d’aborder la situation de la presse d’opinion, ce dogme informatif de masse. Ces reprises induisent aussi une réflexion métadiscursive sur sa propre expérience, ses exigences d’homme de presse. Comment écrire sur les événements, comment les interpréter, quel type de reportage, quel degré d’engagement, de discipline éthique et objective doivent conduire l’observateur des faits, le nouveau transmetteur de l’histoire et de ses mouvements ? André Fontaine interroge sous l’œuvre de création sa propre conception de l’information, la valeur de son matériau, son exégèse. Quel est l’auteur derrière l’observateur, quelle est sa mise en scène des faits ? Ainsi la création théâtrale est l’occasion de dénoncer la possible farce organisant les faits, l’affabulation systématisée adaptant la réalité au point d’en trahir le contenu, en commettant à son tour un autre acte théâtral. Le discours de la presse devient mode de théâtralisation, fictionnalisation abusive. Par son autorité de masse, elle joue sa scène en mystifiant le lectorat devenu spectateur d’une comédie des faits.
Pessimisme et optimisme sont « deux travers », la bonne position c’est d’« être ni l’un ni l’autre »Interview de Jacques Chancel, 24/01/1977, INA. Cette position de lucidité, d’extraction hors des formats, fortifie la capacité de présentation de l’histoire. Si André Fontaine récuse la facile prétention à l’objectivité, il renoue avec une ambition détournée des idéologies, une honnêteté, un engagement à assumer un travail d’extraction de la vérité humaine, à maintenir l’équilibre des contraires, à oser à la fois affirmer des vues personnelles et démêler le vrai du faux. Il faut parvenir à traverser l’apparence des faits et réussir à faire acte de synthèse, permettre ainsi l’éclaircissement des contradictions et du régime bipolarisé. Le journaliste cohabite avec l’historien, l’homme des idées avec l’individu des engagements.
On rapprochera cette dynamique d’auteur dans ses propres choix d’analyse avec sa vision de la Guerre froide :

Est-il encore possible d’espérer que de part et d’autre on finira par reconnaître ce qu’il y avait de fou dans la prétention de certains à ne vouloir donner d’autre choix à l’humanité pour régler les problèmes du XXe siècle, qu’entre deux idéologies nées au XIXe siècle.A. Fontaine, Histoire de la Guerre froide, Fayard, Paris, 1965-67, vol. 1, p. 12

La finalité de l’entreprise d’écriture consiste à servir l’actuel et révéler le dialogue des générations, l’intrication des couches historiques. En éclairant les situations du présent, le passé confie en retour à celui-ci la charge alors d’en concrétiser les justes aspirationsA. Fontaine, Le Printemps, op. cit., p. 209. En cela, Fontaine plaide contre ceux qui au bénéfice d’un modèle ne conservent qu’une mémoire déformée et inintelligible de l’homme et du réel, ceux-là mêmes qui font obstacle aux évolutions de la communauté vers plus de liberté, de justice et de maturité civique, valeurs qui caractérisent les luttes engagées par les événements de mai 68.

Édouard Galby-Marinetti

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Pour citer cet article : Édouard Galby-Marinetti, « Sur Le Printemps de la Sociale d’André Fontaine (1974) », Revue Théâtre(s) politique(s), n°1, 03/2013 – URL : http://theatrespolitiques.fr/2013/03/sur-le-printemps-de-la-sociale-dandre-fontaine-1974/

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