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Événement le 18/05/2013 : Rencontre autour des représentations de la Commune de Paris

Les Représentations de la Commune de Paris : vers plus de visibilité et de lisibilité

le par Marjorie Gaudemer, Nathalie Lempereur, et Audrey Olivetti

Résumé

La Commune de Paris fut représentée aussitôt son surgissement (en mars 1871) et l’est encore aujourd’hui, dans la variété des genres, même si les corpus s’avèrent disproportionnés. L’existence, cependant, de ces images et textes, exécutés d’emblée et dans la durée, n’est toujours pas évidente : au théâtre par exemple, les pièces, parfois tout simplement interdites [...]

La Commune de Paris fut représentée aussitôt son surgissement (en mars 1871) et l’est encore aujourd’hui, dans la variété des genres, même si les corpus s’avèrent disproportionnés. L’existence, cependant, de ces images et textes, exécutés d’emblée et dans la durée, n’est toujours pas évidente : au théâtre par exemple, les pièces, parfois tout simplement interdites ou retoquées par des artistes eux-mêmes, restent essentiellement marquées par la marginalité de leurs supports de publication papier ainsi que de leurs réseaux de diffusion scénique. En cause s’avère alors en tout premier lieu le caractère politique, très subversif, du sujet lui-même, voire de son traitement : cette insurrection, réprimée dans le sang et d’emblée calomniée, fut occultée par les pouvoirs républicains successifs en même temps que revendiquée, et accaparée, par leurs opposants révolutionnaires – si bien qu’à la profusion des représentations d’extrême gauche, cantonnées, de gré et/ou de force, en milieux engagés ou militants, répond la rareté des manifestations anti-communardes, d’obédience conservatrice ; si bien encore que la réception des approches plus objectives demeure biaisée par le clivage idéologique ambiant. Quoique l’historiographie soit désormais en partie dépassionnée, l’évènement demeure sensible, ses représentations, à leur tour « prisonnières d’une mémoire politique partisane » (B. Tillier), apparaissent délicates et polémiques a fortiori. Leur connaissance et leur compréhension s’en trouvent grandement compromises.
Contribuer à la résorption de ce défaut de visibilité et de lisibilité consécutive, à la suite du numéro d’Europe consacré à la Commune, la littérature et les arts – paru en 1970 – ou de l’ouvrage de Bertrand Tillier sur la Commune, les beaux-arts, les dessinateurs et peintres en France jusqu’en 1914 – édité en 2004 et dont un compte rendu est ci-après proposé, tant les apports de cette étude, sous-titrée « Politique et représentations », sont précieux pour notre réflexion, tel est le but de ce dossier, composé de deux parties complémentaires.
Tout d’abord, au signalement, à l’exhumation de pièces et spectacles dont le sujet unique ou, du moins, central, est la Commune de 1871, est corrélé leur présentation, commentaire ou analyse, dans la diversité des approches – historique, littéraire, dramaturgique, etc.. Nous sommes ainsi partis de l’ébauche d’un corpus d’œuvres et les articles portent sur des productions qui précèdent ou suivent Les Jours de la Commune (1949) et Le Printemps 71 (1960), ces titres de référence qui ont d’ailleurs semblé d’autant plus incontournables que leur connaissance repose surtout sur la notoriété de leurs auteurs (Bertolt Brecht et Arthur Adamov). S’agissant des représentations théâtrales, trois périodes ressortent. Celle qui suivit immédiatement la Commune de Paris – le dossier aborde, en ce sens, la première pièce consacrée à l’évènement, La Commune de Paris de Jules Vallès (1872), les œuvres de deux auteurs dramatiques prolifiques, L’Ami de l’ordre de Georges Darien (1898) et La Saignée (1913) de Lucien Descaves (écrite avec Fernand Nozière), et un drame jusqu’ici tout aussi inconnu que son auteur : envisagé par le Théâtre de la Villette mais refusé par le Bureau du théâtre, La Commune d’Ary Ludger, jamais joué et paru, en 1908, dans une feuille militante locale, est ici transcrit dans son intégralité. La période suivante couvre le centenaire de la Commune de Paris. En France, cet anniversaire constitua sans nul doute un temps fort des représentations de la Commune – de leur (re)découverte comme de leur réalisation –, pic qui ne se comprend pleinement qu’à la lumière des mouvements sociaux des « années 68 » (en partie nourris par la mémoire de la Commune de 1871), de l’engagement correspondant d’une génération d’artistes, et, tout en ouvrant sur la création étrangère – avec Al gran sole carico d’amore de Luigi Nono (1975) –, nous avons voulu attirer l’attention sur l’initiative du petit éditeur Pierre Jean Oswald qui, sur le sujet qui nous intéresse, publia, entre 1971 et 1974, pas moins de quatre pièces, passées ici au crible : Commune de Paris d’André Benedetto (1971), Place Thiers d’Yvon Birster (1971), Lycée Thiers, maternelle Jules Ferry de Xavier Pommeret (1973) et Le Printemps de la Sociale d’André Fontaine (1974). La dernière période est actuelle : s’il était impossible de faire l’impasse sur le spectacle sans doute phare de ces dernières années, Barricade de Jolie Môme (1999), il était à nos yeux impératifs de (faire) découvrir des mises en scène plus récentes, conçues à l’occasion de la commémoration du cent quarantième anniversaire de la Commune : Morte ou vive ?… Vive la Commune ! de Même si (2007), L’Affaire d’un printemps d’Hervé Masnyou et Martial Bléger (2010), Notre Commune des Lorialets (2012).
Nous avions également décidé, afin d’enrichir la réflexion amorcée sur les représentations « au théâtre », d’aborder d’autres textes et images générés par l’évènement. « Ailleurs », dans un second temps, se traduit ainsi par l’approche du dessin (les caricatures durant la Commune), de la littérature (les textes non-fictionnels d’écrivains célèbres tels que Zola et Daudet, L’Imitation du bonheur de Jean Rouaud (2006)), du cinéma (La Nouvelle Babylone de Leonid Trauberg et Grigori Kozintsev (1929), La Commune (Paris, 1871) de Peter Watkins (2000)), de la chanson (dans les rues parisiennes, en 1870-1871) et du street art (« le gisant » d’Ernest Pignon-Ernest (1971) et les collages historiques de Raspouteam (2011)).
Bien que figurant dans la bibliographie, plusieurs œuvres théâtrales n’ont pas trouvé leur place dans ce numéro : notamment, La Défaite de Nordahl Grieg (pièce en réaction à laquelle Bertolt Brecht aurait écrit son propre texte sur la Commune), La Butte de Satory de Pierre Halet et La Commune de Paris par la compagnie Pierre Debauche. Ce n’est peut-être toutefois que provisoire : grâce au support numérique, ce dossier pourra être augmenté au fil du temps. L’inauguration, au printemps 2013, de la revue Théâtre(s) politique(s) sera l’occasion de discuter, par croisement, les témoignages, études et documents rassemblés ici, et à la synthèse des observations et interprétations qu’ils contiennent et auront suscitées pourront s’ajouter, en ce sens, d’autres approches monographiques. Nous le souhaitons du moins vivement, afin que le mouvement prolongé se poursuive encore au profit d’une visibilité et d’une lisibilité, les plus riches possibles, des représentations de la Commune de Paris. Pour l’heure, nous remercions vivement tous les rédacteurs de ce dossier ainsi que les artistes sollicités qui nous ont fait part de leur expérience : nous leur sommes redevables de la qualité du travail réalisé.

Pour citer cet article : Marjorie Gaudemer, Nathalie Lempereur, et Audrey Olivetti, « Les Représentations de la Commune de Paris : vers plus de visibilité et de lisibilité », Revue Théâtre(s) politique(s), n°1, 03/2013 – URL : http://theatrespolitiques.fr/2013/03/les-representations-de-la-commune-de-paris-vers-plus-de-visibilite-et-de-lisibilite/