Sur Place Thiers d’Yvon Birster (1970)
le par Marjorie Gaudemer
Résumé
Place Thiers est une pièce d’Yvon Birster, montée pour la première fois à la Maison du peuple du Havre en 1970 et publiée l’année suivante chez P. J. Oswald. L’auteur y a mêlé l’esthétique du tréteau avec l’insertion de l’archive locale, et l’approche historique originale qui y est produite de la Commune de Paris, supportée par l’inventivité dramaturgique, s’avère au service d’un didactisme révolutionnaire imprégné du contexte politique et des mouvements sociaux des années Mai 68. Jouant avec les frontières de l’anachronisme, cette œuvre, par ailleurs, affirme son appartenance au théâtre politique, porteur d’une autre conception du spectacle vivant, en marge du pur divertissement ou de l’entreprise commerciale, telle qu’elle fut rêvée dans cette période de fort engagement des artistes…
« Avec nos fusils d’insurgés,
nous avons calé la République. »
(Jules Vallès)Cité par C. Willard, dans J. Zwirn (coord.), La Commune de Paris aujourd’hui, Éditions de l’Atelier, Paris, 1999, p. 14
Le projet théâtral d’Yvon Birster
Né en 1939, Yvon Birster (doc. 1), professeur retraité de lettres (au lycée puis en I.U.T.), aujourd’hui galeriste (La Rotonde, Paris, 18e), est l’auteur français d’une petite dizaine de pièces, pour certaines publiéesY. Birster est aussi l’auteur d’un roman, L’Équipe à Maleone, dont l’action se déroule en 1961 en Lorraine, parmi les travailleurs émigrés, et qui traite, d’après la critique, des conflits syndicaux, problèmes du racisme et intrigues politiques. Il fut publié en 1972 par La Pensée universelle.. La première, Simon l’insolent, date de 1965, et la plupart d’entre elles, depuis Vache de mouche (1968), dessinent un cycle théâtral sur la mémoire ouvrière. Ce cycle croise d’une manière assez originale histoires nationale, locale et familiale : la très industrielle Haute-Normandie, où l’auteur s’installa, ainsi que la Lorraine minière et sidérurgique dont il est originaire – ses parents, gérants d’un petit commerce, provenaient d’ailleurs du milieu ouvrier –, ont nourri l’approche qui y est faite de grands évènements ou situations, d’ordre social, économique, politique, ayant marqué la France depuis la fin du XIXe siècle. L’Horizon bleu (1981) revient ainsi sur l’usine Schneider d’Harfleur en 1916, Les Sauveterre, ou Comment je n’ai pas fait la révolution (1974) et Un Été havrais (1981) sur l’existence et les grèves des métallurgistes, respectivement en Lorraine de 1906 à 1960 et au Havre en 1922. 40-45 (1972) retrace la « résistance populaire » durant la Seconde Guerre mondiale, Le Marchand de sagesse (1968) les évènements de Mai 68.
Place Thiers (1970), quant à elle, est consacrée à la Commune de Paris. Une source d’inspiration multiple sert là encore le traitement de l’évènement, et, emblématique ou non de la production d’Yvon Birster, cette quatrième pièce témoigne, ce faisant, en même temps que d’une revendication politique du théâtre, d’un usage militant de l’histoire. C’est cet usage, fortement appuyé sur les rouages du spectacle vivant, que cet article tâche de percer, avant de souligner combien ce texte, quoiqu’inhérent à un certain contexte, ne semble avoir pour aujourd’hui ni perdu son actualité ni épuisé sa force d’interpellationJe suis redevable, pour cet article, à Y. Birster qui m’a accordé un long entretien et confié des images, notes, critiques et lettres sur l’écriture et la mise en scène de la pièce. Les documents cités ci-après sont tous issus des archives privées de l’auteur..