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Événement le 18/05/2013 : Rencontre autour des représentations de la Commune de Paris

La Commune ici et maintenant. Le Printemps 71 d’Arthur Adamov (1960)

le par Nathalie Lempereur

Résumé

Après Brecht, Adamov se lance dans l’écriture très documentée d’une pièce sur la Commune, intitulée Le Printemps 71. Cette pièce se situe à mi-chemin entre un théâtre de l’histoire, qui viserait à inculquer un savoir sur une période peu connue, en insérant le maximum de données historiques, et un théâtre politique qui donnerait non seulement une leçon d’histoire mais également une leçon politique, en s’appropriant une certaine lecture marxiste de l’histoire de la Commune. Cette ambiguïté, venant s’ajouter à des critères plus objectifs (nombre de personnages, longueur de la pièce), explique que cette dernière ait rencontrée des difficultés à être jouée en France, et qu’elle ait fait l’objet d’une réception particulièrement divisée.

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(doc. 1)

Arthur Adamov termine sa pièce sur la Commune, Le Printemps 71, en 1960. Elle est d’abord publiée dans le n°40, 4e trimestre 1960 de la revue Théâtre populaireMême si l’auteur précise qu’il doit y apporter sans doute certaines modifications : « Pourquoi alors publier déjà la pièce ? Parce que ces réserves ne m’apparaissent pas capitales. Je crois dès maintenant avoir réussi à donner de la Commune l’image que je voulais en donner […] » (Théâtre populaire, 40, 4e trimestre 1960, p. 19)., revue brechtienne assez radicale au sein de laquelle Arthur Adamov a reçu un certain soutien pour ses pièces à partir du moment où il est sorti de sa période dite « avant-gardiste ». La pièce sort, une année après, chez Gallimard (doc. 1)A. Adamov, Le Printemps 71, Gallimard, Paris, 1961. Nous avons pour notre part utilisé l’édition de la pièce dans le Théâtre IV d’Adamov, publié chez Gallimard en 1968. Les paginations données par la suite correspondent à cette édition.. Celle-ci lui a demandé trois années de travail (1958-1960). Le dramaturge fait certainement œuvre d’historien pour l’écriture de cette pièce, s’engageant dans de longues lectures et recherches à la Bibliothèque nationale de France. Il fait par ailleurs paraître dès 1959 une anthologie commentée et personnelle de textes sur la Commune (doc. 2)A. Adamov, La Commune de Paris. 18 mars-28 mai 1871, anthologie, Éditions sociales, Paris, 1959 qui mettent en lumière son intérêt pour cette période et sa volonté de connaître l’événement en profondeur, tout en commentant la portée des différentes tendances politiques et en affirmant une certaine vision de la Commune. Adamov s’est également investi auprès de ceux en charge de sa mémoire puisqu’il est également devenu en 1961 vice-président de « L’Association des Amis de la Commune de Paris (1871) »IMEC, ADM 11. 1, que Jacques Duclos reconstitua et présida de 1962 à 1975Fondée en 1882, suite à l’amnistie de 1880, par les anciens combattants de la Commune de retour de déportation et d’exil, l’Association des Amis de la Commune de Paris (1871), alors Fraternelle des anciens combattants de la Commune, revendique d’être la plus ancienne organisation dont se soit doté en France le mouvement ouvrier révolutionnaire.. À leurs côtés figurait notamment l’historien Émile Tersen qui lut et commenta Le Printemps 71.

(doc. 2)

La pièce, qui découla de ce travail, est créée dès 1962 à l’étranger (à l’Unity theatre de Londres et au théâtre national slovaque à Bratislava) avant d’être représentée, non sans difficultés, en France en 1963 en banlieue parisienne. La pièce est montée au théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, dans une mise en scène de Claude Martin, fondateur de la troupe des « Pavés de Paris » (doc. 3)Tous les documents de l’article se rapportent à cette création scénique de la pièce en France, au Théâtre Gérard Philipe en 1963..

(doc. 3) Revue Doc © Archives municipales de Saint-Denis

L’objet de cet article est de montrer que l’intérêt de la pièce réside dans une tension perpétuelle entre une démarche historique ou du moins documentaire forte, un engagement politique également fort de l’auteur, et la volonté de faire vivre ses personnages, de nous faire sentir la Commune dans son quotidien, son intimité, sans oublier certaines intrigues amoureuses. Celles-ci ancrent la Grande Histoire dans la petite histoire et donne une certaine tonalité romanesque à la pièce. Ces caractéristiques font de la pièce d’Adamov un geste non seulement politique mais aussi poétique fort. Il s’agira de montrer quelle analyse Adamov fait de la Commune et en quoi son soutien au communisme se reflète dans la pièce. Le souci de mettre en lumière certaines erreurs commises par les communards et la volonté d’ancrer ce savoir sur la Commune dans la réalité politique de son temps forment un aspect intéressant de la pièce, comme nous le montrerons au cours de cet article. Nous nous intéresserons en dernier lieu à la création de la pièce en France, facilitée par l’aide des municipalités communistes et certaines organisations « populaires » ; comme à sa réception lors des représentations de 1963.

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