Un Théâtre de façade subversif et engagé : désordre de l’Histoire et faux retour à l’ordre chez Georges Darien
le par Thanh-Vân Ton-That
Résumé
Le drame de Darien intitulé L’Ami de l’ordre (1898) présente les métamorphoses de l’Histoire : le passage de la chose vue et de l’Histoire officielle à la scène, avec des procédés de concentration et de sélection symbolique, offrant une vision complexe et nuancée dans l'opposition entre les défenseurs et les détracteurs de la Commune.
Georges Darien (1862-1921), écrivain anarchiste connu, entre autres, pour ses romans Bas les cœurs ! (1889) et Le Voleur (1897) récemment réédités, a été marqué par la Commune de Paris qui lui a inspiré une courte pièce de théâtre intitulée L’Ami de l’ordre[1], créée à Paris au Théâtre du Grand-Guignol le 4 octobre 1898. Lui qui, lors des événements, par son âge est plus proche de L’Enfant que de L’Insurgé de Vallès[2], ose écrire sur un sujet resté longtemps délicat, même après l’amnistie des communards proclamée en 1880. On sait qu’en 1876 Léon Cladel a été condamné ainsi que le journal L’Événement pour sa nouvelle « Trois fois maudite »[3] car dans ce concert de réprobations, rares sont ceux qui comme Jules Vallès ou Louise Michel osent prendre le parti des vaincus. Il est vrai qu’en 1898, les esprits sont plus occupés par l’affaire Dreyfus que hantés par les fantômes de 1871.
Nous nous intéresserons aux métamorphoses des acteurs de l’Histoire devenus, dans la pièce, personnages emblématiques, puis aux choix esthétiques avant de montrer que ce drame en un acte dans la veine naturaliste du théâtre d’idées[4] révèle les prises de position audacieuses de l’auteur et surtout une vision plus nuancée dans l’opposition entre les défenseurs et les détracteurs de la Commune, par rapport aux discours souvent anticommunards[5] de l’époque.