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Événement le 18/05/2013 : Rencontre autour des représentations de la Commune de Paris

Sur Lycée Thiers, maternelle Jules Ferry de Xavier Pommeret (1973)

le par Estelle Doudet

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La Commune dans Lycée Thiers, maternelle Jules Ferry
« Je ne connais pas grand’chose à l’histoire » avoue Paladines lors de sa première rencontre avec TolainIdem, p. 23. Le principal dessein de Xavier Pommeret, comme il l’indique dans un commentaire de sa pièce placé en quatrième de couverture, est de dénoncer l’enseignement sélectif et tendancieux de l’histoire dans le système éducatif français, alors que mai 1968 a ébranlé la confiance sociale traditionnellement placée en ce dernier. Lycée Thiers se veut donc une arme polémique contre les « manuels officiels du Ministère de l’Éducation Nationale »Idem (quatrième de couverture), où la construction d’une mémoire collective garante de l’ordre prime sur l’analyse critique des faits.
La pièce propose au spectateur une double approche de l’évènement qu’est la Commune. D’une part, sont mises en lumière les réflexions de ses acteurs historiques par le truchement de nombreuses citations récitées par les élèves. Celles-ci illustrent presque exclusivement le point de vue versaillais, puisque c’est ce dernier qui prévaut dans l’enseignement. Mais le collage des citations, leur accumulation dévoilent les desseins moins que glorieux des fondateurs de la République : accepter la défaite militaire qui peut les mener au pouvoir (Trochu : « nous sommes décidés à ne pas nous défendre »Idem, p. 28) ; réprimer les aspirations des travailleurs et les mépriser (Dumas fils : « la zoologie révolutionnaire »Idem, p. 83) ; manipuler par la suite faits et chiffres en jouant sur la peur des bien-pensants. Mais si les mots dénoncent ceux qui les énoncent en 1870, ils portent aussi l’attaque similaire contre les ouvrages qui les véhiculent encore dans les années 1970, les manuels scolaires.
Face à l’omniprésence des jugements versaillais, odieux ou grotesques, la Commune est symboliquement presque dépourvue de paroles. Celles qui se font entendre aux spectateurs prennent d’autant plus de poids qu’elles sont répétées (le terrible jeu de mots d’Hugo sur Trochu, participe passé de « trop choir ») ou qu’elles sortent, à l’instar de la vérité, de la bouche d’une enfant, Louise Michel. Plus fondamentalement, l’évènement Commune ne se réduit pas aux mots ou aux pages des livres récitées par les élèves ; il se vit. Tel est sans doute l’un des messages les plus importants de la pièce. C’est à une compréhension fusionnelle de la Commune que Clio appelle Paladines. Les printemps des années 1870 et 1970 se confondent dans une énonciation au présent – énonciation qui est celle des chansons et du théâtre : « et dans le rire, les chansons / on occupe ces ministères, on se réunit […] nous sommes beaux, nous sommes purs, nous sommes jeunes / et Paris applaudit à notre pureté »Idem, p. 56-58. Évènement non pas à enterrer sous le maquillage de l’histoire officielle, mais à revivre. Dans le bouillonnement politique et culturel qui a suivi mai 1968, la mémoire ressuscitée de la Commune paraissait s’offrir, pour reprendre un mot de Claudel, moins comme un savoir que comme une « co-naissance » indispensable à la construction d’une conscience politique chez les spectateurs.

Estelle Doudet

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Pour citer cet article : Estelle Doudet, « Sur Lycée Thiers, maternelle Jules Ferry de Xavier Pommeret (1973) », Revue Théâtre(s) politique(s), n°1, 03/2013 – URL : http://theatrespolitiques.fr/2013/03/sur-lycee-thiers-maternelle-jules-ferry-de-xavier-pommeret-1973/

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