Notre Commune – La mémoire en place publique
le par Les Lorialets
Résumé
Le voyageur, le curieux, qui se promène dans les rues de Paris, croise souvent au hasard de ses déambulations des plaques de marbre enchâssées dans les façades, ou sortant de terre, ces fameuses « pelles à Starck »La « pelle à Starck » est une spatule à hauteur d’homme en fonte noire, un pied [...]
Le voyageur, le curieux, qui se promène dans les rues de Paris, croise souvent au hasard de ses déambulations des plaques de marbre enchâssées dans les façades, ou sortant de terre, ces fameuses « pelles à Starck »La « pelle à Starck » est une spatule à hauteur d’homme en fonte noire, un pied solidement ancré dans le bitume, qui présente des notices historiques, parfois assorties d’un dessin. Les 767 « pelles Starck » (dessinées par le célèbre designer Philippe Starck) sont plantées depuis 1992 devant les monuments historiques, les passages pittoresques de Paris, les théâtres…, autant de panneaux du souvenir qui, bien que succincts, vous disent qu’hier ces lieux abritaient d’autres êtres, d’autres lieux, d’autres histoires.
Pourtant, à y regarder de plus près, toutes les périodes ne se valent pas pour ces graveurs de mémoire. Et s’il en est une dont l’absence jusqu’à aujourd’hui est restée criante, c’est bien celle de l’Annus Horibilis, 1871, l’année terrible de la Commune de Paris.
Durant cette ultime révolution du XIXe siècle, qui s’est jouée durant 72 jours sur tout le territoire parisien, pas une rue qui n’ait été marquée par les obus de Versailles ou les barricades des fédérés, pas une mairie, hormis l’Hôtel de ville détruit durant la Semaine sanglante, qui n’ait abrité les rêves, les colères ou le sang des combattants… Le savent-ils ces amoureux qui se bécotent sur les bancs du Jardin du Luxembourg, ces passants du Père Lachaise, ces visiteurs de l’Opéra, qu’en ces lieux, des Français fusillèrent d’autres Français, des frères mitraillèrent leurs sœurs, des républicains de l’ordre exécutèrent des républicains sociaux ? Comment d’ailleurs sauraient-ils que, sous leurs pieds ignorants, demeurent souvent les charniers de ces inconnus de l’Histoire ? Ici point de plaques commémoratives, point de mots pour raconter l’horreur de la guerre civile. Notre silence, notre ignorance, notre oubli sont comme une seconde mort pour ces êtres – trente mille s’accorde-t-on à dire aujourd’hui –, pour ces inconnus qui furent jadis acteurs et spectateurs de la dernière révolution française.
Comment peut-on donner des leçons de mémoire au monde si l’on n’a pas fait soit même sa propre introspection ? Comment grandir, comment pousser sainement quand de telles roches enfouies sous nos racines atrophient notre développement ?
Si l’histoire a toujours été écrite par les vainqueurs, n’est-ce pas, comme Picasso le fit pour Guernica, du devoir des artistes de graver ailleurs la mémoire des événements jusqu’à ce que les opinions et les pouvoirs publics les prennent enfin en considération ?
Voilà, en quelques mots, les raisons qui nous poussent à vouloir, avec les outils et les techniques du spectacle, raconter l’Histoire en général et celle de la Commune de 1871 en particulier.