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Événement le 18/05/2013 : Rencontre autour des représentations de la Commune de Paris

Sur Le Printemps de la Sociale d’André Fontaine (1974)

le par Édouard Galby-Marinetti

Résumé

En s’essayant au drame à l’occasion du centenaire de la Commune de Paris, André Fontaine, rédacteur en chef du Monde et spécialiste des relations internationales, investit un nouveau champ d’écriture. Par ce recentrement sur la France et sa mémoire, l’auteur entend questionner les faits passés et présents à travers un procédé original d’emprunt des textes d’actualité de l’époque (chansons, discours, articles) qu’il associe et confronte à son acte de création (dialogues, intrigue amoureuse, protagonistes fictifs). La gageure consiste à cerner la réalité communarde sous ses faux héritages, à lui rendre vie par la scène et la voix à nu. Adepte de l’histoire équitable, refusant l’embrigadement et les simplismes idéologiques comme l’invention de pure fantaisie, Fontaine se livre à un réquisitoire contre ceux qui ont caché les faits, freiné l’avenir, les mêmes qui nient cet air de liberté et cet appétit de justice civique que revendique mai 68.

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Publiée en 1974, Le Printemps de la Sociale est la seule œuvre dramatique d’André Fontaine qui n’oublie pas cependant sa formation d’historien. Éclatée en une multitude de scènes courtes, la composition en trois actes suit le déroulement chronologique de la Commune de Paris. Amorcé par quelques scènes flashes situant les principales figures révolutionnaires (Blanqui, Proudhon) sous le Second Empire, le premier acte traite de la période s’étendant de la défaite de Sedan, le 1er septembre 1870, à la proclamation de la Commune de Paris devant l’Hôtel de ville – l’essentiel étant consacré aux vicissitudes du premier siège de Paris durant la guerre franco-prussienne (famine, maladies, échecs militaires). Le deuxième acte concentre les événements de l’après-18 mars, les affaires et les topoï de l’institution communale (débats entre le Comité central et la Commune, discussions des lois entre majoritaires et minoritaires, marche des francs-maçons pour la paix, chute de la colonne Vendôme) avec en contrepoint les discussions du gouvernement et de l’assemblée siégeant à Versailles et conspirant contre le pouvoir parisien, ainsi que les tractations diplomatiques poursuivies avec Bismarck. Le troisième acte, plus court, figure la Semaine sanglante et l’entrée des forces versaillaises, les incendies et les massacres, enfin la postérité positive de cette république sociale, débordant jusqu’à nos jours dans l’ultime scène.
S’ajoutant à l’optimisme du legs communard, une intrigue amoureuse est greffée au récit des faits historiques, livrant les aventures de deux jeunes personnages, adjuvants de la cause libératrice. Le matériau du texte est en conséquence composite, il tisse autour de l’axe dramaturgique des emprunts tirés des archives. Les pièces chantées alternent avec les discours publics d’époque, ces sources authentiques dialoguent ainsi avec les fictions et les aménagements de l’auteur. Traces du passé et inventions dramatiques s’entrecroisent.
Par ce basculement des autorités, l’œuvre sonde le crédit accordé à la mémoire collective, passe au crible ses modes de transmission. Spécialiste des relations internationales, Fontaine a par ailleurs exercé une activité de journaliste avant de diriger la rédaction du Monde (1969-1985). Ce drame est aussi l’occasion d’interroger sa fonction d’informateur moderne et d’exprimer une expérience capitale au sein d’un quotidien issu de la Libération, édifié sur une nouvelle ambition pour l’homme, à travers la morale des mots et des savoirs transmis.

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