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Événement le 18/05/2013 : Rencontre autour des représentations de la Commune de Paris

Dramaturgies politiques de 1945 à 2010 (Angleterre, France, Allemagne) : « les héritiers de Brecht et de Shakespeare »

le par theatres-politiques

Résumé

Nous ne rappellerons pas que le théâtre dès sa naissance en Europe occidentale est intimement lié à la polis. C’est pourquoi l’expression « dramaturgies politiques » peut paraître redondante. Toutefois, dans la seconde moitié du XXe siècle, l’engagement de la scène théâtrale ne va pas de soi. Il faudra donc comprendre que le théâtre ouvertement [...]

Nous ne rappellerons pas que le théâtre dès sa naissance en Europe occidentale est intimement lié à la polis. C’est pourquoi l’expression « dramaturgies politiques » peut paraître redondante. Toutefois, dans la seconde moitié du XXe siècle, l’engagement de la scène théâtrale ne va pas de soi. Il faudra donc comprendre que le théâtre ouvertement engagé nous occupera au cours de ces journées. Dans le champ du théâtre engagé, nous constatons que la référence est souvent faite à Brecht ou à Shakespeare. C’est de ce constat que part notre réflexion.

Nous avons préféré l’expression de « dramaturgies politiques » à celle de «théâtre politique » employée par Piscator, dans la mesure où le théâtre politique met davantage l’accent sur la fonction politique du théâtre. Pour notre part, nous souhaitons analyser comment des créations théâtrales sont politiques, non tant par le discours qu’elles tiennent parfois ouvertement, que par la façon dont elles construisent un propos politique, cette construction pouvant être l’effet des dialogues, d’un dispositif scénique, d’un fonctionnement textuel faisant appel d’une façon marquante au spectateur. (On peut par exemple montrer comment la poésie de certaines scènes des Pièces de guerre, d’Edward Bond, a pour effet de mettre la salle en communion en attribuant d’une certaine façon au public la fonction du choeur. Ce choeur est alors porteur d’un espoir politique.) En somme, les dramaturgies politiques ne se réduisent pas au trop fameux « message » que des artistes engagés voudraient transmettre en instrumentalisant le théâtre. Étudier comment un discours politique, idéologique, s’élabore à travers l’intrigue, l’esthétique, la réception du spectateur, les effets liés à la mise en scène… sera l’un des enjeux du colloque.

Si les critiques et les historiens du théâtre s’accordent quant à l’influence de Brecht sur le théâtre politique de l’après-guerre, les dramaturges eux-mêmes paraissent parfois beaucoup plus frileux pour reconnaître leur dette envers le fondateur du Berliner Ensemble. Ainsi, on ne peut qu’être frappé de la référence shakespearienne chez Bond – que l’on songe au « Dernier carnet de William Shakespeare » (« dont la plupart des pages, découvrit-on, avaient été mangées – sans aucun doute par Shakespeare lui-même »), ou à son Lear. Mais, alors que la « Femme » qui traverse sa Grande paix semble devoir beaucoup à Mère Courage, la référence n’est pas revendiquée par l’auteur. D’ailleurs la dette est-elle réelle ou est-ce nous, les spectateurs, qui ne sommes pas capables voir cette femme déambuler sans immédiatement faire référence à Brecht ? De même, la mise en scène par Alain Françon des Pièces de guerre, qui a fait connaître Bond au grand public, est incontestablement brechtienne lorsque Carlo Brandt s’adresse aux spectateurs pour annoncer le titre d’un tableau ou tirer la leçon de ce que l’on vient de voir, d’une façon qui devrait inciter ces mêmes spectateurs à prendre acte de ce qui vient de leur être communiqué, comme s’il s’agissait d’une leçon sur leur réalité. C’est pourquoi certaines phrases lancées à la figure du spectateur peuvent quasiment prendre la valeur d’une injonction assez violente. Pourquoi la filiation à Brecht est-elle donc moins nettement affirmée que celle à Shakespeare dans bien des cas ?

Après la Seconde Guerre Mondiale, nombre de dramaturges affirment leur filiation à Shakespeare. Dans le même temps, nombre de metteurs en scène s’attachent à Shakespeare, revenant par exemple vers des textes presque oubliés du dramaturge élisabéthain, tel son Titus Andronicus, d’une insupportable violence, qui retrouve semble-t-il toute son actualité après Auschwitz. Et Brecht lui-même a donné l’exemple en s’adonnant à la réécriture croisée de Richard III et de Jules César dans sa Résistible ascension d’Arturo Ui, dans laquelle le gangster Arturo (Hitler) prend des leçons de théâtre en déclamant le discours de Marc-Antoine, pour apprendre à parler en public. On sait que la veine des réécritures de Shakespeare ne s’est pas tarie : de la simple traduction à la pièce qui ne peut prendre toute sa valeur qu’en fonction de la référence shakespearienne disséminée dans l’ensemble du texte, nous avons toute une palette de réécritures, au sens que l’on donne à cette notion en Littérature comparée : Botho Strauss et son Schändung, Heiner Müller et son Hamlet machine, Edward Bond et son Lear, Enzo Cormann avec Toujours l’orage ne sont que des exemples remarquables dans une liste proprement interminable.

On l’aura compris, toute communication qui nous fera (re)découvrir une pièce fondant son engagement politique sur la référence à Brecht ou à Shakespeare sera la bienvenue, mais l’enjeu ne saurait être le simple repérage des références. En outre, on privilégiera les communications dans lesquelles les deux influences seront confrontées l’une à l’autre dans leurs effets et leurs implications esthétiques et politiques. C’est d’ailleurs au cours de cette confrontation que pourra revenir la question de savoir pourquoi tant de dramaturges mettent en évidence leur filiation shakespearienne en adoptant une pratique brechtienne sur laquelle ils sont beaucoup plus discrets. Serait-ce parce qu’aujourd’hui chacun fait du théâtre épique sans le savoir, ou même en le sachant ? Est-ce parce que l’influence de Brecht sur la pratique théâtrale a été telle qu’elle est aujourd’hui devenue le terreau invisible de tout théâtre politique ? Pourquoi Shakespeare n’a-t-il pas alors été « digéré » de la même façon ?

On voit bien, par cette dernière question, que, même si le colloque est centré sur les héritiers de Brecht et de Shakespeare, il ne sera pas interdit de retourner à Brecht ou à Shakespeare, soit pour montrer au regard des réécritures le potentiel dramaturgique et politique de telle pièce, soit pour questionner la relecture de l’un ou de l’autre par les metteurs en scène actuels. D’autres pistes sont évidemment possibles, outre celles déjà évoquées plus haut et c’est à chaque participant qu’appartiendra le bonheur de nous les faire découvrir.

Les propositions de communication (300 mots maximum) sont attendues pour le 15 février 2012 au plus tard. Elles devront être envoyées sous format word, accompagnées d’une brève notice biographique, à l’un des membres du comité scientifique.

Elles sont à adresser à Pascal Vacher, Université de Bourgogne, vacher.pascal@wanado.fr           

Le colloque aura lieu les 27, 28 et 29 septembre 2012 à Dijon.

Comité scientifique : Daniel Mortier, Université de Rouen, daniel.mortier@univ-rouen.fr , Didier Souiller, Université de Bourgogne didier.souiller@wanadoo.fr , Georges Zaragoza, Université de Bourgogne, georges.zaragoza@wanadoo.fr , Pascal Vacher, Université de Bourgogne, vacher.pascal@wanado.fr .

Organisation : Pascal Vacher (MCf Littératures comparées), Jérôme Martin (Ingénieur de recherches), CPTC (Centre Pluridisciplinaire Textes et Cultures).      

Responsable : Pascal VACHER

Adresse : Pascal Vacher Université de Bourgogne UFR Lettres et Philosophie 2 boulevard Gabriel 21000 DIJON