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Événement le 18/05/2013 : Rencontre autour des représentations de la Commune de Paris

La Commune « marouflée » dans Paris : d’Ernest Pignon-Ernest à Raspouteam (1971, 2011)

le par Audrey Olivetti

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Plus qu’un art de propagande : un art de provocation entre didactisme militant et poésie engagée
La réflexion sur l’articulation des espaces-temps et le rapport à l’histoire nous permet de cerner deux démarches distinctes : d’un côté, une certaine volonté didactique de transmettre les éléments qui permettent de comprendre la Commune dans sa complexité et, de l’autre, une proposition pour que « la sensation vécue ait une résonance avec l’histoire », que la sensation soit conscientisée ou non. Nous poursuivons donc l’entretien sur la question de l’aspect militant que sous-tendent leurs démarches artistiques respectivesErnest Pignon-Ernest a été proche du PSU et a également adhéré au Parti communiste avant de s’en éloigner. Quant à Matéo de Raspouteam, il appartient au syndicat étudiant SUD et a, entre autres, participé activement aux luttes autour du CPE..
Ernest Pignon-Ernest cherche à s’approprier l’histoire collective de façon subjective, poétique sans se situer dans une démarche qu’on pourrait qualifier de propagande ou de conscientisation. C’est ainsi que Paul Veyne le comprend dans la préface d’un ouvrage consacré à l’artiste :

Malheureusement l’artiste engagé n’est qu’un publicitaire pas malin. Un plus malin veut des affiches ; or Ernest fait des images, trop allusives pour s’engager, trop raffinées pour ébranler. Et puis de vous à moi, vous y croyez à la mission politico-sociale de l’art ? [...] Des passants jetèrent un regard distrait sur les affiches des suppliciés de la Commune dont Ernest couvrit une nuit de 1971, l’escalier du Sacré-Cœur ; seuls les cars de police en furent vraiment ébranlés. [...] Seulement il se trouve que justement Ernest Pignon-Ernest n’est pas un artiste engagé et il serait temps de lui décrocher cette étiquette qu’on lui a collée à des fins classificatrices qui semblent encore plus chères aux esprits avancés qu’aux vulgaires connaisseurs. Ernest est là pour investiguer, pas pour agir sur les masses. [...] L’art d’Ernest est le contraire d’un art de propagande.Élisabeth Couturier, Ernest Pignon-Ernest, Paris, Hersher, 1991, p. 5-11

Ernest Pignon-Ernest semble se reconnaître dans le portrait que l’historien fait de lui mais il tient à contextualiser. Il revient sur les artistes maoïstes de l’époque, animés d’une volonté « un peu naïve » de faire de l’art politique et auxquels il ne voulait pas être assimilé. Il illustre cette critique à travers son expérience du salon de la Jeune Peinture qui se tint pendant douze jours en 1972 au Grand Palais (Paris)Ernest Pignon-Ernest y avait exposé une installation « Les Accidents du travail », que l’on peut retrouver dans l’ouvrage suivant : Marie-José Mondzain – André Velter – Ernest Pignon-Ernest, Ernest Pignon-Ernest, Éditions Bärtschi-Salomon, Genève, 2007 et nous raconte avoir été consterné par les autres peintres invités, ces peintres qui prétendaient pratiquer un art au service de la classe ouvrière. Lui-même était à l’époque proche du parti communiste mais son travail, certes engagé, refuse l’illustration politique et c’est en ce sens qu’il faut comprendre les paroles de Paul Veyne. L’artiste rapproche sa pratique de celle du ready made et de la peinture conceptuelle. Un certain écho de l’approche rancièrienne se profile dans cette volonté de ne pas prétendre à produire d’effets politiques déterminés sur le spectateur.
Dans la continuité de cette réflexion sur le rapport au politique, nous entrevoyons également un autre point commun entre Ernest Pignon-Ernest et Raspouteam : l’anonymat. Contrairement à une certaine pratique du graffiti qui cherche à se réapproprier des lieux dont leurs auteurs sont dépossédés, ces deux œuvres se réapproprient la mémoire des lieux sans que cela passe par l’exigence de la propre reconnaissance de l’artiste puisque ni Ernest Pignon-Ernest ni Raspouteam ne signe vraiment leurs œuvres. Le premier nous rappelle de nouveau le contexte post-68 dans lequel il naviguait et la surprise de nombreuses personnes apprenant qu’il dessinait. Pour Raspouteam, il y a effacement de l’individu pour le collectif qui porte le projet. Une volonté de provocation désindividualisée, de subversion qui rejoint la pratique du collage sauvage et qui fait écho aux nombreux anonymes qui ont joué un rôle pendant la Commune.

Collage sauvage et anonymat supposent une certaine illégalité, elle-même fortement chargée politiquement : il s’agit bien d’un défi lancé à l’ordre établi. Plusieurs stratégies se dessinent pour gagner dans ce « jeu du chat et de la souris » : coller autant que faire se peut pendant la nuit (doc. 18), duper le gardien de métro, essayer de discuter avec les agents de police (doc. 19)…

(doc. 18) Collage nocturne du gisant au métro Charonne – Ernest Pignon-Ernest, 1971

 

(doc. 19) Première arrestation d’Ernest Pignon-Ernest, mai 1971

À travers plusieurs anecdotes, Matéo et Théo nous racontent les diverses altercations ou problèmes qu’ils ont pu rencontrer avec les autorités. La conversation s’engage également sur la question juridique relative aux potentielles poursuites que leur action suppose : la craie et le papier journal ne sont pas considérés comme dégradation et il s’avère que pour l’instant un vide juridique semble encore exister en ce qui concerne le sol. Au delà de l’aspect anecdotique dégagé, on comprend qu’un rapport de force se joue au sein de l’espace public et amène à penser leur pratique artistique comme un art de provocation, de perturbation de l’ordre établi.

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