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Événement le 18/05/2013 : Rencontre autour des représentations de la Commune de Paris

Le Sujet politique : (dé)construction et représentations (XIXe-XXIe siècles)

le par theatres-politiques

Résumé

La Journée d’Etudes du 27 janvier 2012 constitue le premier volet d’un triptyque intitulé « Devenir citoyen, devenir auteur : la construction d’un sujet politique » mené dans le cadre du CPER 10 LLSH. Cette action rassemble les chercheurs littéraires, civilisationnistes et historiens du 3L. AM et du CERHIO qui s’interrogent sur le lien entre la pratique politique [...]


La Journée d’Etudes du 27 janvier 2012 constitue le premier volet d’un triptyque intitulé « Devenir citoyen, devenir auteur : la construction d’un sujet politique » mené dans le cadre du CPER 10 LLSH. Cette action rassemble les chercheurs littéraires, civilisationnistes et historiens du 3L. AM et du CERHIO qui s’interrogent sur le lien entre la pratique politique et la notion d’ « auteur », à comprendre ici au sens large de créateur, producteur d’une œuvre qui entend avoir une efficacité dans le domaine public. Sont dès lors considérés comme « auteurs » l’artiste comme l’écrivain de métier, l’homme ou la femme politique qui écrit ou profère des discours, le mémorialiste ou l’individu qui témoigne, sous une forme ou une autre, de son temps. L’objectif de cette action est d’explorer l’émergence progressive, derrière l’auteur, du sujet politique : l’affirmation, sur la longue durée, du citoyen conscient qu’il existe des enjeux politiques et désireux de les exprimer. Le processus par lequel le sujet devient ou se fait auteur, est aussi processus de subjectivation politique.

Avant la JE de mai 2012 (« "Indignez-vous". Ecrire, témoigner, s’engager, de l’Antiquité à l’âge moderne », organisée par Patricia Lojkine) et celle de Juin 2012 (« S’engager autrement : les voix/voies citoyennes en marge de l’institution politique » – titre provisoire, organisée par  Eliane Elmaleh et Laurent Bourquin, la JE du 27 janvier propose d’interroger la notion même de sujet politique et la tension dont elle est intrinsèquement porteuse :   

Le sujet politique désigne à la fois celui (individu ou groupe) sur lequel s’exerce un pouvoir politique auquel il a plus ou moins consenti, et celui qui se pense et se construit comme un sujet « politique », au sens large de membre d’une communauté donnée et au sens étroit de partie prenante des conflits idéologiques et luttes de pouvoir. En ce sens, le sujet est au principe, il est le fondement du pouvoir politique. C’est cette tension entre sujet assujetti et sujet fondement, et notamment la façon dont la seconde figure émerge dans le discours (littéraire, artistique, mais aussi historique et politique),  sans pour autant que ne disparaisse la première, que nous voudrions questionner. Comment cette tension s’exprime-t-elle dans les discours et représentations, y trouve, peut-être, sa résolution et, comment offre-t-elle une grille de lecture pertinente des œuvres, notamment en termes de réception ?

Cette réflexion s’inscrira, dans le cadre de cette journée d’études, dans un arc chronologique défini, qui correspond d’une part au processus de constitution du sujet à l’ère démocratique au XIXe siècle et, d’autre part, à ses métamorphoses à l’époque contemporaine.

Dès lors, plusieurs pistes de réflexion peuvent être envisagées :


1) Comment l’écriture met-elle en scène cette construction du sujet politique ? Depuis les travaux de Paul Bénichou, on a bien étudié l’autopromotion du prophète romantique à la hauteur d’une figure d’autorité absolue, capable de concurrencer celle des chefs d’État, et de lutter par la seule force de sa plume, à l’instar du Hugo de l’exil, contre l’iniquité des gouvernants. Mais le sujet politique, lui, n’a pas toujours cet éclat souverain : il peut se montrer sous une multitude d’aspects, qu’il conviendra d’interroger.

2)  Comment représenter le sujet politique, celui sur lequel s’exerce le pouvoir et qui le fonde tout en même temps ? Quel visage donner au peuple, à la nation ? Et de quels enjeux et valeurs sont porteuses ces représentations ?

On pourra notamment se demander si figurer le sujet politique, ce n’est pas, déjà, le refigurer en acteur politique et être, en même temps, attentifs à toutes les formes de sublimation que peut susciter la représentation du peuple en marche : comment représenter sans figer ?

3) Si, depuis l’Antiquité le politique se pense toujours en référence à cette communauté ultime (la cité) qui surplombe et articule toutes les autres (domestiques, tribale, etc.), ce qu’une pensée proprement contemporaine de la fragmentation du lien politique questionne, c’est précisément la capacité du politique à servir encore aujourd’hui de principe structurant. Cette question prend une acuité particulière à l’époque actuelle, où certains, à l’instar de Jean-Luc Nancy (La Communauté affrontée), redéfinissent la notion de communauté par l’image de la « brisure », soulignant l’épuisement de la pensée de l’Un, alors même que, dans le camp conservateur, on aura plutôt tendance à déplorer une évolution historico-culturelle qui verrait la communauté (mais quelle communauté ?) se désagréger en des communautés distinctes, repliées sur elles-mêmes, qui auraient vocation à s’affronter en elles.

Comment cette évolution du politique affecte-t-elle le sujet politique lui-même ? Doit-on en conclure à une dépolitisation du sujet, dont témoignerait, entre autres, le discrédit dans lequel serait tombée la littérature dite « engagée » et, inversement, l’épanouissement d’une littérature de l’intime ? Ou, au contraire, à une repolitisation, mais centrée sur des enjeux locaux, non plus universels mais propres à certains individus ou groupes d’individus, qu’illustreraient, par exemple, les romans d’usine de François Bon ou les romans sociaux d’Annie Ernaux ?  On pourra aussi se demander si l’on ne peut pas voir à l’oeuvre, entre ces deux extrêmes, d’autres modélisations du sujet politique, qui s’adosseraient à une conception nouvelle et proprement contemporaine du politique, étroitement liée à la dimension éthique.

4) Quelle(s) voix pour le sujet politique au sens d’énonciateur d’un discours politique ? La question du style, mais aussi du genre littéraire dans lequel s’inscrit la parole politique pourrait faire l’objet de développements intéressants : de la parole prophétique de Hugo aux pamphlets céliniens, la langue même dessine comme sujet politique celui qui la manie et, en retour, donne corps et voix à ceux qu’elle prend pour objet de discours.

5) On pourra aussi se demander, dans le sillage du Contre Sainte-Beuve proustien,  si le sujet politique qui se dessine à travers l’œuvre d’un auteur, souvent complexe et riche d’ambivalences, est le même que celui qui prend la parole dans l’espace public : le moi de l’écrivain n’a-t-il pas plus à dire, ou autre chose à dire, que le moi social ?

Organisation : Sylvie Servoise et Caroline Julliot