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Événement le 18/05/2013 : Rencontre autour des représentations de la Commune de Paris

Art et persuasion

le par theatres-politiques

Résumé

20ème colloque "Rhétoriques des arts" organisé par le CICADA

Les propositions de communication (une page dactylographiée complétée d’un CV) devront être envoyées avant le 15 octobre 2010 à cette adresse:  bertrand.rouge@univ-pau.fr.

Rhétoriques des arts, XX : Art et persuasion

« Art de bien dire » sur son versant formel, la rhétorique est aussi « art de persuader ». Mais si persuader est un art, en quoi l’art, qui a (ou avait) le souci de la belle forme, a-t-il toujours trait à la persuasion, et en quoi les deux sont-ils liés? Si persuader, c’est « porter à croire, décider à faire » (Littré), en quoi art et persuasion sont-ils conjointement reliés à la croyance, à l’illusion, à la perlocution, à la mise en mouvement du spectateur ? L’art peut-il en outre convaincre—au sens de « faire entrer dans l’esprit une opinion », mais aussi de « persuader par le raisonnement », de « forcer par des raisons à reconnaître » (Littré) ? L’oeuvre d’art relève-t-elle d’une efficace persuasive spécifique ? Serait-elle le domaine privilégié pour l’invention de stratégies et de figures persuasives ? Et dans ce cas, lesquelles ?

On sait les liens de la peinture et de la rhétorique à la Renaissance et à l’âge classique. Mais comment distinguer l’oeuvre persuasive en tant qu’oeuvre de l’oeuvre « rhétoriquement » efficace à des fins externes, et quelles sont leurs interactions ? Les arts ont souvent transmis des contenus au service d’une idéologie, d’un système, d’une institution (art religieux, propagande, publicité). Ces exemples témoignent-ils d’un « art de persuader » qui dépasse l’application d‘une « rhétorique » (au sens restreint du mot) ? La question est de savoir si et comment l’art met en oeuvre, de manière convaincante, des forces de persuasion artistique ou esthétique spécifiques, voire singulières, et constitutives de l’oeuvre en tant qu’oeuvre. Ainsi, le simple fait de représenter, de reproduire, d’ « exprimer » ou d’exposer, a-t-il une valeur persuasive propre ? La ressemblance ou la vraisemblance semblent « convaincantes », mais quels sont la nature, les ressorts, l’objet de cette « persuasion/conviction » ? Quels en sont les équivalents dans les arts non-mimétiques ? L’artiste la subit-il (ou l’agence-t-il), lorsqu’il juge avoir atteint le juste point d’achèvement ou d’inachèvement de l’oeuvre ? Inversement, l’art peut-il se dispenser de cette efficacité persuasive, l’oeuvre, d’être convaincante ? En quoi et de quoi le fait de s’en dispenser est-il révélateur ?

L’art, dit-on, éduque et transforme. Mais s’agit-il d’adhérer ou de succomber, de persuasion ou de reddition, d’un processus lent ou d’un choc ? Un mode de persuasion propre aux oeuvres de l’art ouvre-t-il le champ possible d’une esthétique de la persuasion ? Pour s’imposer au spectateur autrement que par ses contenus ou une valeur contextuellement déterminée, l’oeuvre doit-elle exercer une force spécifique de persuasion pour exister en tant qu’oeuvre ? Ainsi, sa forme (belle ou persuasive) peut-elle être le « contenu » (artistique) qui ferait l’objet de ses efforts de persuasion ? Que se passe-t-il quand elle est convaincante, et quel sens donner à cette « conviction » ? Comment persuade-t-elle en tant qu’oeuvre, et de quoi ? A quelle fin propre mobilise-t-elle sa force de persuasion ? Celle-ci est-elle liée à la manière dont l’oeuvre s’impose et engage le spectateur, à la captation de l’attention, la complicité, l’adhésion, la capacité de séduire—parfois jusqu’à la manipulation. (On interrogera a contrario les cas où cette fin et ces moyens sont rejetés—et en quoi cette abstention peut à son tour se faire persuasive.)

L’art moderne et contemporain recourt souvent à des béquilles discursives pour convaincre : « discours » de l’artiste ou du critique (parfois attitré), manifestes, explicitation de la « démarche ». Cette discursivité est-elle ajoutée à l’oeuvre ou externalisée à des fins de persuasion et de conviction ? Remplit-elle une fonction persuasive jadis intégrée au fonctionnement de l’oeuvre d’art et qui ferait désormais défaut aux « objets » artistiques—ou à la compréhension que nous en avons ? Quels seraient les causes et les conséquences de cette dissociation ? S’agit-il d’une défaillance des formes à persuader par elle-même, ou bien d’une pédagogie nécessaire au rôdage d’usages nouveaux—d’une « re-rhétorisation » de l’art ?

Art de plaire et/ou de persuader, la rhétorique pose des questions esthétiques, à la croisée de la faculté sensible et de la faculté de juger. Plaire pour persuader ou persuader pour plaire ? Comment les deux interagissent-ils dans l’art ? Sont-ils séparables dans l’expérience esthétique—et artistique ? Pascal concédait que, « presque toujours emportés à croire non pas par la preuve mais par l’agrément », « nous ne croyons presque que ce qui nous plaît » et que « l’art de persuader consiste autant en celui d’agréer qu’en celui de convaincre ». Il ajoutait que, « les principes du plaisir [étant] divers en tous les hommes », « je ne sais s’il y aurait un art pour accomoder les preuves à l’inconstance de nos caprices ». Se pourrait-il que l’oeuvre d’art fût le champ expérimental de cet « art » dont Pascal doutait de l’existence et qu’il fût alors nécessaire d’envisager l’existence d’une esthétique de la persuasion ? Comment, alors, cette esthétique de la persuasion prend-elle corps dans des oeuvres de tous mediums—sans doute parfois, aujourd’hui, loin de la belle forme ? Comment décrire les moyens, les effets, les enjeux esthétiques et historiques, les stratégies et les figures de ce que serait une persuasion proprement artistique ?

 

Responsable : Bertrand Rougé

 

Url de référence :
http://www.presses-univ-pau.fr/cart/Categorie/2/rhetorique-des-arts.html

 

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