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Événement le 18/05/2013 : Rencontre autour des représentations de la Commune de Paris

Utopies de la scène, scènes de l’utopie

le par theatres-politiques

Résumé

Date limite : 30 avril 2010



Dossier publié sur Agôn, revue électronique consacrée aux arts de la scène, avec le parrainage de Denis Guénoun (Paris IV), sous la direction d’Aude Astier (ENS-LSH, Paris X), Lise Lenne (ENS-LSH) et Marion Rhéty (Paris I-ULB Bruxelles).

 

La revue prépare la publication de son prochain dossier, « Utopies de la scène, scènes de l’utopie », à paraître fin 2010.

La réflexion sera développée dans le champ des arts de la scène (théâtre, danse, cirque, musique, performance…).

 

Les propositions d’article anonymes (3500 signes environ, espaces compris), complétées soit d’un exposé des concepts clés, soit des axes de réflexion envisagés, et éventuellement accompagnées de références bibliographiques précises, sont à faire parvenir avant le 30 avril 2010 au format .doc, .rtf, ou .pdf, accompagné d’un document séparé indiquant le titre de votre proposition et vos renseignements personnels (noms, institution, coordonnées) à l’adresse suivante : agon.utopie@gmail.com. Nous vous rappelons que la revue accueille les images, graphiques, fichiers sons (format mp3 – encodage 44,1Ghz) et vidéos (en format FLV) pourvus qu’ils soient en règle avec la législation en vigueur concernant les droits d’auteur, droits à l’image et droits de diffusion.

 

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Pourquoi s’intéresser aujourd’hui à l’utopie ? Parce que c’est avant tout le lieu d’un paradoxe : on assiste à un regain du discours utopique en référence aux années 70 et pourtant (et peut-être parce que) nous vivons « en un temps où l’effondrement des systèmes politiques fondés sur une utopie sociale semble avoir totalement discrédité jusqu’au nom de celle-ci[1] ». Société post-utopique donc. Car le désir d’ailleurs et d’autrement dans un futur plus ou moins proche semble avoir cédé la place à un désir d’intégration laissant peu d’espace aux rêves en commun. Et pourtant, malgré les tentatives pour la rejeter dans l’ombre, l’utopie reste présente, comme fantasme ou symptôme.

Dans le champ des arts de la scène, le mot, souvent brandi comme fer-de-lance de l’aspiration politique de l’art, est cependant rarement défini ou mis en question. L’utopie, selon l’étymologie grecque, est la synthèse d’ou-topos et d’eu-topos, c’est-à-dire simultanément une absence de lieu, un lieu qui n’a pas de lieu, et un lieu heureux : un espace de fiction qui porte en lui- même la contradiction de son existence. Ce qui caractérise l’utopie, c’est peut-être moins son incapacité à être actualisée que sa revendication de rupture: il s’agit d’« ouvrir des brèches dans l’épaisseur du réel[2] ». L’utopie comme déplacement de sens, retournement, transgression : c’est dans cette perspective qu’il est intéressant de confronter ce terme aux arts de la scène. Car si art et utopie se rejoignent comme ce qui met à mal le réel par l’invention de formes, la scène est ce lieu problématique, au carrefour entre théorie et pratique, où se joue au présent une rencontre décisive : entre le public, vecteur de réel, et une fiction représentée.

Comment l’utopie se manifeste-t-elle dans les arts de la scène en termes de dramaturgie, de dispositif ou de processus de création, d’événement spectaculaire, de représentation ?

Afin de réfléchir en profondeur à ces interrogations, nous vous invitons à considérer les problématiques ci-dessous comme autant de propositions d’exploration :

 

Utopie et espace:

 

L’utopie est indissociable de la question du lieu. Elle ne désire rien tant que trouver un lieu, son lieu, pour exister contre, tout contre l’ordre face auquel elle se positionne. Le désir de penser autrement le rapport au public et l’organisation du groupe est souvent accompagnée d’une remise en cause du lieu, en tant qu’institution et aire de jeu : sortir des lieux habituels de création (théâtres publics, centres nationaux, etc.), investir d’autres espaces souvent en marge (urbains et ruraux : friches, squats, anciens bâtiments industriels, granges, etc.), inventer de nouvelles scénographies (briser le quatrième mur, abandonner la boîte noire) pour repenser le temps de la rencontre, au sein du processus de création et pendant la représentation. Avec la question sous-jacente, que René Schérer désigne comme l’énigme à résoudre aujourd’hui, et donc peut-être comme une nouvelle utopie: celle de l’habitation de la terre. Cette marginalisation est-elle nécessaire pour que naisse et vive une utopie artistique ? De quoi est-elle le reflet ? Correspond-elle seulement à un temps de la réalisation de l’utopie, l’utopie étant peut-être moins réalisation que mouvement vers, projection, élan ?

 

Utopie et communauté :

L’utopie, définie comme subversion radicale d’une organisation sociale et politique existante à laquelle on substitue une autre jugée idéale, met en question la structure même de la communauté et les hiérarchies ou rapports de pouvoir qu’elle instaure entre les individus. Plus qu’une simple mise en doute, l’utopie est une force critique (et transformatrice ?) du monde qu’elle reflète. Ainsi, certains artistes s’inscrivent dans une démarche utopique en s’organisant en collectifs, troupes ou groupes, autant de formes de vivre-ensemble qui disent leur refus de reproduire des modèles. A la hiérarchie qu’implique forcément la distribution des rôles entre interprètes et metteur en scène, chorégraphe, dramaturge, se substitue le commun, et la revendication d’égalité et de démocratie qui en découle. Comment pense-t-on et travaille-t-on le groupe, à la fois dans le processus de création et dans le spectacle lui-même ? Quels place et rôle l’individu a-t-il dans le processus ? La démarche utopique aboutit-elle à un effacement des individualités au profit de la communauté ?

Utopie et représentation :

L’utopie est « un discours qui met en scène et donne à voir une solution imaginaire, ou plutôt fictive, des contradictions : [...] le simulacre de la synthèse[3] ». Les arts de la scène ont pour vocation de représenter une réalité (fictive) dans le temps du spectacle. Mais peut-on représenter, incarner l’utopie ? Et surtout, comment se montre-t-elle ? Quel est son espace-temps dans la dramaturgie d’une pièce ou d’un spectacle ? La forme dramatique, qui est une mise en acte, est-elle appropriée ? Ou doit-elle emprunter à d’autres modes de discours (narratif par exemple) pour dire l’utopie ? Enfin, à un autre niveau mais toujours en terme de représentation, qu’incarne l’utopie, en tant que  figure du négatif de la société et de ses lois ?

 


 

[1] René Schérer, Utopies nomades, Paris, Séguier, 1996, p. 12.

 

 

[2] Paul Ricoeur, L’idéologie et l’utopie, Paris, Seuil, 1997, p. 405.

 

 

[3] Louis Marin, Utopiques, Jeux d’espaces, Paris, Éditions de minuit, 1973, p. 9.