La fin de la démocratie
le par theatres-politiques
Résumé
{{La fin de la démocratie ?}} Autour de Coriolan (Shakespeare/Schiaretti) _ représenté au Théâtre Nanterre-Amandiers du 21 novembre au 19 décembre 2008 Un contrechamp organisé par le Théâtre National Populaire, _ en partenariat avec l’University of Chicago, _ la Cité Internationale Universitaire de Paris, _ le Théâtre Nanterre-Amandiers et Sciences Po Cycle de débats, conférences, projections et lectures à Paris _ les lundi 8 et mercredi 10 décembre de 14h à 19h30 à la Cité Internationale Universitaire de Paris (Collège Franco-Britannique) _ le samedi 13 décembre de 13h à 18h au Théâtre Nanterre-Amandiers Entrée libre sur réservation obligatoire au 01 46 14 70 10 ou par email à spectateurs@amandiers.com _ Cité Internationale Universitaire de Paris, Collège Franco-Britannique, 9 boulevard Jourdan, 75014 Paris, RER Cité Universitaire _ Théâtre Nanterre-Amandiers, 7 avenue Pablo Picasso, 92000 Nanterre, RER Nanterre-Préfecture
{{{PROGRAMME}}}
{{1. Le pire régime}}
Lundi 8 décembre de 14h à 19h30 à la Cité Internationale Universitaire de Paris (Collège Franco-Britannique)
• 14h00-14h45 : Coriolan ou la démocratie en question
_ par Gérald Garutti, dramaturge
• 14h45-15h15 : Une brève histoire de la démocratie
_ par Pierre Manent, pensée politique
• 15h15-17h15 : Pourquoi la démocratie ?
_ avec Blandine Kriegel, philosophe, Pierre Manent, chercheur en pensée politique, et Jean-Pierre Vincent, metteur en scène
• 17h30-19h30 : Le régime des crises
_ avec Alexandre Adler, historien, Etienne Balibar, philosophe, et Jean-Louis Hourdin, metteur en scène
{{2. Le règne de la représentation}}
Mercredi 10 décembre de 14h à 19h30, à la Cité Internationale Universitaire de Paris (Collège Franco-Britannique)
• 14h00-14h45 : Représentation politique et représentation théâtrale
_ par Jean-Marie Apostolidès, chercheur en sciences humaines
• 14h45-16h45 : Le pouvoir en représentation
_ avec Jean-Marie Apostolidès, chercheur en sciences humaines, Jean-Pierre Siméon, écrivain, et Dominique Reynié, chercheur en sciences politiques
• 17h00-19h00 : Les exclus de la représentation
_ avec Enzo Cormann, écrivain, Robin Renucci, comédien, et Daniel Sabbagh, chercheur en sciences politiques
{{3. Le héros et la masse }}
Samedi 13 décembre de 13h à 18h au Théâtre Nanterre-Amandiers
• 13h00-13h30 : Le héros impossible
• 13h30-15h15 : Qu’est-ce qu’un héros ?
_ avec Jean-Michel Déprats, traducteur, Jean Gillibert, écrivain et metteur en scène, et Camille Dumoulié, chercheur en littérature comparée
• 15h30-17h30 : La dégénérescence du héros
_ par Alain Badiou, philosophe
• 17h30-18h00 : Du théâtre à la Cité
_ par Christian Schiaretti, metteur en scène
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{{{TRAGIQUE DÉMOCRATIE}}}
«Comment vivre ensemble malgré les différences et les différents ? La démocratie est-elle le pire des régimes à l’exception de tous les autres ? N’avons-nous le choix qu’entre la démagogie des tribuns et la tyrannie des hommes forts ? Faut-il préférer la sécurité à la liberté, et l’ordre à la justice ? Autant de problèmes abordés par Shakespeare dans Coriolan. Située dans la Rome républicaine balbutiante (-488), écrite dans l’Angleterre moderne naissante (1607), cette tragédie politique brasse des enjeux d’une déchirante actualité pour nos démocraties en souffrance.
1. La lutte des classes. Un spectre hante Rome : le spectre de la guerre civile. À l’arrogance des patriciens tout puissants s’oppose le ressentiment des plébéiens sans droits. Contre cette noblesse qui l’opprime, le peuple finit par s’insurger. Le conflit se cristallise entre les tribuns, tout juste institués pour défendre la plèbe, et Coriolan, patricien extrêmiste, général héroïque et, bientôt, consul élu.
2. La crise perpétuelle. Ballotée par des forces centrifuges, écartelée entre des options politiques concurrentes, la république souffre d’une instabilité permanente : révolte populaire, révolution sociale, compromis réformiste, paternalisme conservateur, répression militaire, délégation tribunicienne, union sacrée vite évanouie… Tout est possible – surtout le pire.
3. Le pire régime. Rome oscille entre trois régimes décadents : une démocratie rêvée (souveraineté du peuple) qui vire à la démagogie (domination des tribuns); une aristocratie effective (primat du sénat) mâtinée d’oligarchie militaire (suprématie des généraux); une pente tyrannique (ascension de Coriolan) qui rappelle la monarchie exécrée (expulsion des rois vingt ans auparavant).
4. Un bestiaire fratricide. “Rome et ses rats vont se livrer bataille”. De Rome, mère affligée, les monstres déchirent le sein : hydre démocratique aux mille têtes, loups aristocratiques chassant en meute disparate, et tigre tyrannique dont les blessures aiguisent la fureur. Tous descendent en droite ligne du couple originel fratricide – Romulus et Rémus, fils de la Louve.
5. La dissension infinie. Une Cité, deux classes, trois régimes… et mille factions. Contradictions et divergences travaillent chaque clan, et même chaque groupe : généraux (factieux vs légitimistes), sénateurs (modérés vs radicaux), citoyens (révolutionnaires vs réformistes), familles (mère abusive vs fils indigne).
6. La corruption fatale. Sénateur “ami du peuple” s’évertuant à concilier les contraires, le médiateur Ménénius vise une impossible concorde civile. Par ses ondoiements et revirements incessants, il exprime les inévitables compromis et compromissions de la démocratie, par essence toujours frustrante, défaillante, imparfaite – introuvable.
7. Le salut par l’impérialisme. Là comme ailleurs, “la guerre [extérieure], c’est la paix [intérieure].” (Orwell) Seule la menace étrangère impose l’unité nationale : face à l’invasion volsque, la survie romaine exige la mobilisation générale. Matrice cannibale de l’empire à venir, peuple en fusion dès l’origine, Rome écrase son ennemi avant de l’absorber.
8. L’expulsion du héros. Cette république qui se nourrit de conquêtes pousse l’ingratitude à bannir ses conquistadors. Le sauveur de la Cité déchoit, de l’élection à l’éviction. Bien que héros consacré par la patrie et consul légitimé par l’élection, Coriolan est chassé par le peuple, dans le silence complice d’une noblesse peut-être également soulagée d’évincer ce tyran militaire en puissance. Ce sacrifice du bouc émissaire favorise une réconciliation de façade entre factions.
9. Une bureaucratie désenchantée. Rescapée de la monarchisation, Rome vire en démocratie parlementaire routinière. La mystique dégénère en politique, le mouvement militant en parti de gouvernement, l’aspiration révolutionnaire en exercice gestionnaire. Avec les tribuns pour maîtres, la machine politique tourne à vide, dans l’illusion d’une paix sociale.
10. Le règne de la représentation. Coriolan refuse de jouer la comédie du pouvoir démocratique. Il rejette toute représentation, simulacres politiques (les tribuns) et simagrées théâtrales (les rites). Lors de l’élection, sa mère Volumnia lui avait pourtant prêché les vertus du masque en politique — en vain. Par son triomphe, cette reine-mère et vierge avatar d’Elisabeth Ier marque la victoire d’une conception machiavélienne d’un pouvoir tenté par l’absolutisme sous des dehors conciliateurs. La politique est la continuation de la guerre par d’autres moyens.»
Gérald Garutti